s’entraîner à mourir

“Bien mourir
c’est permettre au souffle
de faire irruption en soi
C’est laisser le mouvement
devenir pur jeu
et accepter d’être rempli
par une chaleur vibrante
par un repos pénétré de clarté
L’ange de la mort invite
à une vie exempte
de toute résistance.”
Qu’est-ce qui nous empêche d’évoluer de façon plus satisfaisante et plus digne?
Peut-être la peur.
Si tel est le cas, de quoi sommes-nous le plus effrayé(e)s?
Peut-être avons-nous peur de l’événement qui sera la fin de notre expérience terrestre, la fin de notre expérience de perception, la mort.
Quand nous mourons, qu’arrive-t-il? Est-ce que quiconque aura un jour une réponse définitive à cette fameuse question?
J’ai envie de répondre: oui.
J’ai été témoin de plusieurs centaines de morts. Pas en tant que secouriste, urgentologue ou soldat. Je fais plutôt référence à la mort de l’ego. Le concept nous paraîtra parfois remâché; il est vrai qu’il a été récupéré à toutes les sauces, et que nous en sommes venu à le considérer presque comme un cliché. Mais il n’est pas question ici de ces petites morts de l’ego que nous expérimentons sur le chemin vers nous-même; celles-ci sont en effet toujours partielles, ou relatives. Je parle plutôt d’une expérience directe et complète, je parle d’une molécule très particulière qui a le pouvoir d’aider notre ego à mourir, mais cette fois totalement.
De quoi nous libérons-nous quand nous mourrons? Qu’est-ce qui meurt? Qui meurt?
Dans la mort, quelque chose cède. Quelque chose est libéré. Qu’est-ce que c’est? Et bien, entre autres choses, toutes ces peurs qui constituent une grande partie de notre identité — consciente ou inconsciente. Toutes ces barrières qui ont été mises en place pour nous protéger de l’inconfort, du malaise, ou pour nous retenir, nous empêcher… d’évoluer.
Et si nous pouvions, en toute intentionnalité, se libérer momentanément de cette structure érigée par l’ego? Même si c’est pour y revenir ensuite.
Mais revenir d’où?
Nous avons peut-être entendu des histoires d’expériences de mort imminente. Nous avons peut-être accédé à l’extase, à la félicité, à la joie transcendante. Tout cela est difficile à mettre en mots. C’est en fait impossible à mettre en mots, parce qu’il s’agit d’expériences intraduisibles, incommunicables.
Mais nous pouvons tenter de qualifier cet état, cette aise — une aise réelle — cette grâce tranquille de l’être, cette essence sauvage, cette innocence qui existe par-delà tout programme. Nous pouvons parler d’une amnésie qui se dissout pour laisser place à la réminiscence de ce que nous sommes, de ce que nous avons toujours été. Toutes les parties de nous-même que nous croyions perdues, et dont l’absence créait en nous cette douloureuse impression d’être brisé(e), désuni(e), partiel(le), à la dérive, se rassemblent pour reformer notre être en ses qualités originelles: compassion, joie, présence aimante, pardon, curiosité, empathie, gratitude, grâce…
Lors d’une expérience de libération complète avec la molécule divine, la mort — l’expérience directe de tout ce qui est — révèle ces qualités de telle façon que nous pouvons faire tomber les conditionnements, déprogrammer le soi. Mourir dans le Tout, dans l’Un. Une occasion de s’y exercer…
Mais est-ce que le simple fait d’inhaler cette molécule est suffisant pour intégrer ces qualités? Non. Par contre, alors que nous sommes libéré(e) de notre existence fragmentée, elles nous sont révélées.
Cette vie terrestre est parfois agitée, domestiquée ou engourdie par un monde qui nous sépare les uns des autres autant qu’il nous sépare de nous-même. Dans ces circonstances, une expérience directe de l’unité nous fera sans doute l’effet d’un antidote. C’est là que la molécule divine révèle toute la puissance de son potentiel. Le phénomène est transpersonnel, trans-humain. En réintégrant ensuite nos repères humains, nous réalisons que nous avons la possibilité de choisir consciemment cette expérience humaine et d’accepter son idiosyncrasie, c’est-à-dire les paramètres inhérents qui la composent.
Et quel genre d’être humain voulons-nous être? Pas un être humain qui s’accroche à la vie par peur de la perdre, espérons-le. Plutôt un être humain ouvert à l’idée que la vie est là pour être vécue, et que ceci inclut: être pleinement humain.
Merveilleusement humain.
Sentir toutes les sensations.
Avoir toutes les pensées.
Savourer toutes les expériences que cette vie a à nous offrir. Mais surtout, savourer entièrement l’ici-maintenant, car c’est ici et maintenant que l’expérience d’être un humain se révèle et se déploie.
Le moment présent est éternel. La mort ressemble à cela, je dirais. Intouchée par le temps. Atemporelle. C’est l’ego qui crée le temps. Par le corps, nous pouvons accéder à la présence. L’esprit fabrique du temps sans arrêt. Le corps, quant à lui, est une porte vers le présent. À travers lui, nous y accédons momentanément. Mais dans la conscience infinie, le moment présent foisonne en toute éternité.
Je n’essaie pas ici d’embellir la mort, ou de la rendre glamour. Pas plus que je ne souhaite la rendre profane. Elle est sacrée. Elle est réelle.
Avec tout mon respect, j’entre en lien avec la mort, et cela a pour effet de m’emplir de révérence pour la vie.
Ceci n’est pas une aventure à prendre à la légère.
Ceci nous ouvre à la possibilité d’incarner une liberté de vivre. Laisser tomber les armes et exister dans cette vie sans être miné(e) par la peur de tout perdre. Ramener ici, avec nous, en nous, ces qualités divines auxquelles chacun de nous a accès, et cultiver ces qualités de manière à modeler notre expérience sentie. Parce que c’est ici et maintenant, et avec ce corps, que nous ressentons les choses. Ce corps sauvage et éphémère.
Car nous sommes sur terre.
Je pratique la mort pour inviter le paradis sur la terre.
S’agit-il de l’illumination?
Je ne sais pas mais, à force d’apprendre à mourir, je sens que tout s’illumine!

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en toute allégresse

“[La Source] n’est pas objet; c’est quelque chose de radical, éternellement présent, et donc ce n’est pas quelque chose qui vous apparaîtra comme le ferait un roc, une image, une idée, un sentiment, une notion, un nuage lumineux, une vision intense ou alors une sensation de grande félicité. Ces choses sont intéressantes, mais ce sont des objets. Et c’est exactement ce que [la Source] n’est pas.”

Ken Wilber

 

Essence : 1) substance volatile ou composante inhérente à un tout; 2) composante ou dérivé présentés dans une forme concentrée et auxquels on attribue certaines propriétés spécifiques (comme pour une plante ou un médicament); aussi, concoction d’une telle essence ou de son substitut synthétique.

Esprit : 1) principe vital qui donnerait vie aux organismes physiques; 2) être ou essence surnaturels, par exemple « esprit saint » ou « âme ».

Bufo : de bufo alvarius (nom taxonomique de ce crapaud du désert de Sonora); mot souvent utilisé pour désigner la sécrétion de cet animal. Autres désignations: sapo ou toad (à ne pas confondre avec rana ou frog).

5 (five) : tiré du nom du composé moléculaire 5-Me0-DMT, aussi appelé molécule divine, 5-Me0, jaguar, soma ou five… Cette molécule est généralement synthétisée, mais l’extraction à partir de certaines plantes est aussi possible.

Que ce soit sous sa forme sécrétoire ou sous sa forme synthétisée, cette substance peut également être considérée comme une médecine ou un sacrement.

Chronologie brève et incomplète de leur usage contemporain

La molécule fut synthétisée pour la première fois en 1937 mais l’usage qui est aujourd’hui fait du bufo (insufflation, vaporisation) remonte aux années 60. (Cette présentation des origines de bufo est très lacunaire; cliquez ici pour accéder à une ligne du temps plus complète). De façon générale, la substance et son usage ont reçu très peu de publicité, et les informations la concernant ne furent que très peu diffusées. On n’entendait que très peu parler de bufo ou de 5, même si certaines figures importantes du mouvement psychédélique étaient au courant de son existence. Ralph Metzner, professeur au CIIS, propose une rétrospective de l’usage de bufo et 5 à travers les années 70, 80 et 90 dans The Toad and the Jaguar (2013); Sasha Shulgin fait état de ses expérimentations avec 5 dans son livre TIHKAL (1997); en 2005, Robert Augustus Masters propose le premier rapport écrit d’une expérience d’intégration extraordinairement difficile avec 5; en 2006, Stan Grof relate brièvement sa première expérience avec 5 (des décennies plus tôt) dans When the Impossible Happens; James Oroc publie Tryptamine Palace en 2009; Terrence McKenna a également parlé de bufo à quelques reprises… Mais en dehors de ces quelques mentions éparses, l’usage de 5 (et c’est encore plus vrai pour bufo) fut à peu près absent du discours entourant les psychédéliques.

Les choses ont commencé à changer au début des années 2010, quand deux personnes ont décidé de profiter de la tribune que leur offrait internet pour informer une large communauté de leur intention d’offrir 5 à quiconque se montrerait intéressé. Ces deux personnes sont du Mexique, et j’appelle ce point tournant The Mexican Wave.

Cette vague a atteint une ampleur sans précédent, et le phénomène a contribué à faire connaître bufo (et, par conséquent, 5) de façon plus étendue. Grâce à la Vague mexicaine, on découvre le potentiel de cette molécule, et cette découverte s’accompagne d’une sorte d’éveil.

Mais sans plus de digression, permettez-moi d’entrer dans le vif du sujet de cette chronique.

Esprit vs Essence

Y a-t-il une différence entre bufo et 5?
Si 5 est un extrait de bufo, comment devons-nous le considérer?

Le terme « bufo » est en fait inapproprié, car bufo est un genre qui désigne en réalité toutes les créatures que nous appelons « crapauds », alors que « alvarius » est le nom de l’espèce spécifique qui nous intéresse ici. Parmi les centaines d’espèces qui composent le genre bufo, alvarius est le seul à sécréter la molécule 5-Me0-DMT. Dans sa forme naturelle, cette sécrétion de bufo alvarius (bufo, sapo, toad) est constituée d’un assemblage d’autres ingrédients, dont aucun n’est psychoactif. C’est donc 5-Me0-DMT qui fait de la sécrétion de bufo une substance unique: aucune autre créature ne fabrique cette molécule.

Subséquemment, 5 est la composante essentielle de la substance que nous appelons bufo. Si l’esprit de bufo est contenue dans sa sécrétion, son essence est contenue dans la molécule 5-Me0-DMT. La substance — précieuse offrande de la nature, assurément—  renferme son essence. Mais la principale raison qui m’empêche de souscrire à l’idée selon laquelle bufo (la sécrétion) est l’essence de l’animal est la suivante: 5 produit le même effet.

Par ailleurs, si 5 n’était pas une composante de bufo, personne ne serait intéressé à en fumer. Son « esprit » (comme l’esprit des ses centaines d’espèces cousines) ne serait pas apprécié et révéré comme il l’est aujourd’hui. De fait, aucune autre sécrétion de crapaud n’est appelé « médecine ».

Est-ce vrai, me demande-t-on? Et qu’en est-il de l’apport des autres composantes présentes dans la sécrétion de bufo? Ne jouent-elles pas un rôle dans l’effet produit? La chose demeure pour l’instant invérifiable et, pour en juger, nous devons nous fier à notre expérience subjective. Pour l’heure, nous pouvons en tout cas nous rallier de nouveau à ce constat: personne ne fumerait bufo s’il n’y avait pas de 5 dedans.

 

5 est essentiel. 5 est l’essence.

Quintessence : 1) ce qu’il y a de principal, d’essentiel dans une chose; 2) selon certaines philosophies médiévales, c’est le plus élevé des cinq éléments; celui-ci imprègne tout le monde naturel, il est aussi la substance qui compose les corps célestes.

Prenons le café par exemple. On consomme généralement le café parce qu’il contient de la caféine. La caféine n’est pas la seule composante de ce que nous appelons « café », mais c’est pourtant à cause d’elle que nous buvons du café. Fumer bufo sans son essence serait comparable à boire du café décaféiné. On pourrait alors parler de bufo dé-5-isé. Boire un succédané de café, la chicorée par exemple, serait alors comparable à fumer la sécrétion d’une autre espèce de crapaud. Il y aura un esprit, car la chicorée a sûrement un esprit, mais il n’y aura pas la chose essentielle que nous recherchons. Suivant cette idée, la caféine est l’essence du café.

Un très grand nombre de personnes relatent un nombre très varié de choses en rapport avec leur expérience avec bufo, et il en va de même pour 5. À la lumière de ces témoignages, je suggère qu’il est impossible de savoir, en toute objectivité, si l’assemblage des molécules qui composent l’esprit ajoute quoi que ce soit à l’expérience qu’induit son essence (5). S’il y a une différence, celle-ci est marginale, périphérique, et surtout non-essentielle.

Votre expérience subjective constitue votre vérité individuelle. Ma supposition est que la vérité individuelle évolue de multiples façons au cours d’une vie. Cette évolution concernerait-elle aussi notre façon d’appréhender ce qui est essentiel?  Chose sûre, que ce soit avec bufo ou avec 5, il ne manque rien.
Tout.
Est.
Là.

Qu’est ce qui caractérise cette essence ?

Essence : emprunt au latin classique essentia, « fait d’être ».

L’unique fonction de 5-Me0-DMT est de révéler efficacement la source de Tout. Tout, mais tout quoi? Et bien, Tout. Même rien…

Les sagesses les plus consistantes et les plus probantes (le Taoïsme, les textes védiques, Mooji, Rupert Spira etc.) semblent trouver un écho direct dans l’expérience de totalité et d’unité qu’offre 5. Mais ces mots (« non-dualité », « singularité ») échouent parfois à rendre compte de la Réalité qu’ils désignent. C’est pourquoi j’utilise souvent le mot « Source » pour souligner cette idée selon laquelle tout binarisme, toutes polarités, toutes dualités ont une Source. Cette Source ne peut qu’être Un. Le mot « Esprit » (avec un « E » majuscule) est parfois utilisé à la place de « Source », comme le prétend Ken Wilber, penseur moderne s’intéressant à la non-dualité:

« En effet, l’incommunicable — qui est pourtant, paradoxalement, immensément compréhensible — se voit désigné par plusieurs noms et plusieurs mots; c’est que les humains n’ont jamais cessé d’essayer de le nommer. »
— Ken Wilber

En effleurant cet immense sujet, mon but est de souligner le fait que 5-Me0-DMT semble être le seul à posséder la caractéristique suivante: il révèle cet Un — cette Source de Tout — de manière si efficace que nous sommes forcés de penser qu’il s’agit là de son ultime raison d’être.

Si la Source du Tout est en effet révélée autant par bufo que par 5, alors nous pourrions dire que l’esprit n’est pas indispensable à la révélation qu’il permet. L’esprit — dans le cas présent, l’assemblage des composantes qui constituent bufo — est non-essentiel.

Mais alors, qu’est-ce qui est essentiel? 
Est-ce que la « peak experience »  est le modus operandi de 5-Me0-DMT?
Cette question me paraît… essentielle.

À suivre…

 

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objectif : lâcher-prise

“Le vrai lâcher-prise ne se force pas. Il n’est pas non plus une chose à laquelle on se soumet. Il s’agit plutôt d’un pas que l’on fait vers la découverte du vrai pouvoir. C’est accepter de céder, de se jeter volontairement dans les bras d’une intelligence plus vaste, sans essayer de contrôler ce qui se produira ensuite. Le vrai lâcher-prise n’est pas un geste posé à l’aveugle. Il requiert en effet un réel discernement; c’est-à-dire la capacité de reconnaître la nécessité de s’ouvrir complètement, et laisser aller. Le lâcher-prise ne s’opère pas en rapport avec un objet fini; on ne se donne pas à quelque chose de limité et restreint. Si on commet cette erreur, c’est qu’il s’agit plutôt de soumission.”
Jon Welwood

 

Soumission : régression développementale indiquant un recul dans le processus de maturation d’un individu vers le lâcher-prise véritable.

Lâcher-prise : saut volontaire par-delà l’égocentrisme, indiquant une progression vers une union avec l’Être.

Les praticiens narcissiques*

*je fais ici référence aux facilitateurs qui, dans leur pratique, s’inspirent de l’approche revendiquée par la Mexican Wave
(Voir publication suivante)

« La soumission implique un certain narcissisme. En cherchant à s’immerger dans l’éclat que reflète celui/celle qu’il glorifie, celui qui se soumet cherche à se sentir plus important. »

Bien souvent, le praticien narcissiste infligera au participant une dose qui aura pour but de surcharger son système. Avec des doses si élevées, le système n’a d’autres choix que de se soumettre au pouvoir incroyable qui s’empare de lui. C’est, en quelque sorte, pour le praticien narcissiste, une façon de garantir une expérience de « full release », mais par la force. On peut comparer cette technique à la force frénétique que certains emploient pour atteindre l’orgasme.

Mais un « full release » est tout autant possible lorsqu’on choisit l’approche contraire. Grâce au lâcher-prise, une ouverture intentionnelle et authentique survient. C’est volontairement que nous nous délestons de nos résistances pour nous envoler et entrer dans une expérience directe de l’Esprit (pure présence, samadhi, satori, le Tout etc.). Mais cette fois, au lieu de rejoindre l’Esprit par la force, nous le faisons par choix, en exerçant notre libre-arbitre. Cet acte de pouvoir trouve alors une résonance encore plus bouleversante quand nous réalisons que l’Esprit se veut en tout temps accessible, en tout temps disponible, en tout temps présent. L’Esprit est toujours déjà là, et cette révélation s’imprègne en nous de façon plus profonde car nous venons justement d’exercer notre pouvoir de libre-arbitre pour y accéder. Nous sentons le rôle que nous jouons dans cet accès, et ce sentiment de responsabilité renferme un enseignement précieux et primordial.

En choisissant une approche graduelle pour découvrir comment les voiles qui recouvrent l’Esprit omniprésent peuvent être levés, le système rencontre alors un « doux pouvoir ». Le pouvoir de l’expérience est révélé grâce au lâcher-prise, et cette façon de procéder offre à l’individu une expérience authentiquement fortifiante.

L’approche invasive du praticien narcissiste offre une expérience directe de l’Esprit par la soumission, ce qui affaiblit (ou fortifie facticement) l’individu.  Sous cet angle, on pourrait affirmer que l’approche invasive est une transgression, alors que l’approche graduelle est une libération.

Il serait par ailleurs intéressant de pousser la réflexion un cran plus loin, en se demandant si une expérience directe de l’Esprit se voit qualitativement affectée par la nature de l’approche qui l’a rendu possible.

 

Atteindre le sommet

Les témoignages concernant le « full release experience » sont nombreux, et en les parcourant nous découvrons que celui-ci n’est pas toujours vécu de la même façon. C’est un peu comme sauter dans différentes parties de l’océan. Chaque immersion sera une expérience unique. Nous pouvons aussi illustrer cette idée par l’adage: « on ne saute jamais deux fois dans la même rivière ». Certaines sagesse anciennes se combinent à l’exploration des psychonautes modernes pour contribuer à la création d’un cartographie assez fiable de la psyché, de la nature de l’existence et des aspects multi-dimensionnels et holographiques de la réalité.

Ces différents témoignages (anciens et modernes) traitent tous de ce que nous pourrions appeler « l’état d’unité », et en les parcourant, on découvre qu’il existe en effet une myriade d’expériences de l’Un.

Je m’intéresse ici aux différentes manières d’accéder à une expérience directe de l’Esprit. Certaines technologies fiables le permettent (notez que je ne parle pas seulement d’états de transe, ou autres explorations de la dimensionnalité; mon propos porte surtout sur la non-dualité), de diverses façons: certains styles de méditation, chambres noires / privation de lumière, expériences hypnagogiques, certaines substances (plusieurs variations de DMT, LSD, mescalines, etc.) prises en très grandes quantités, le son (plus spécifiquement les rythmes isochrones), le mouvement (trémulation, danse, etc.) et le sexe. Certains utilisent ces différentes méthodes avec douceur, d’autres y vont avec ardeur.

Pour ma part, je crois que c’est l’approche douce qui est appropriée.

Prenons par exemple l’orgasme. L’orgasme est souvent plus facile à atteindre lorsque la stimulation est intensifiée, mais cette sollicitation sexuelle intensive s’accompagne généralement d’une dynamique de soumission. Les approches douces, comme le karezza ou le tantrisme, perçoivent au contraire l’orgasme comme le point culminant d’un processus plus lent et plus subtile qui a pour but de favoriser la relaxation — le lâche-prise. D’une manière semblable, certaines approches de méditation utilisent des techniques plus agressives (contrôle, discipline, concentration mentale) pour atteindre l’état recherché, alors que d’autres approchent le samadhi à travers des techniques favorisant une attention plus diffuse, plus détendue (TM, zen, etc.). Ici encore, les premières implicitent la soumission, tandis que les secondes suggèrent le lâcher-prise.

De manière générale, les approches douces favorisant le lâcher-prise prennent plus de temps, car elles ont pour objectif la relaxation du système nerveux. La ruse est efficace car elle permet d’atteindre la transcendance volontairement et consciemment, ce qui n’est pas le cas avec la dissociation psychique qui survient quand on intervient par la force en omettant d’engager l’individu dans une participation consciente. C’est ce genre de dissociation qui est recherchée par les approches agressives, comme la prise de fortes doses de substances exogènes. Ces pratiques permettent peut-être d’atteindre l’état recherché, mais en sacrifiant les précieuses étapes qui permettent à l’être de lâcher prise consciemment, et donc de *choisir* l’expérience transcendante.

Avec 5-Me0-DMT, nous faisons face au même dilemme.

 

FACTEURS UNIQUES À PRENDRE EN COMPTE AVEC 5-Me0-DMT

Note: gardons en tête que 5-Me0-DMT fait figure d’exception.
Sa puissance n’est pas moindre (bien au contraire), mais les arrangements chimiques qui composent cette molécule en font une substance endogène; c’est-à-dire qu’elle est déjà sécrétée naturellement par le corps humain.

Nous permettre d’accéder à une expérience directe de l’Esprit est vraisemblablement la fonction cardinale de 5-Me0-DMT. Mais cet accès doit être calibré avec grand soin. En effet, quelques centièmes de grammes peuvent suffire à transformer un accès par le lâcher-prise en un accès par la soumission (les protocoles de dosage pour la sécrétion de bufo alvarius et pour la molécule pure sont disponibles sur 5Hive).

Avec 5-Me0-DMT, il est vrai que l’expérience est relativement courte — ce qui est sans importance considérant qu’une seule seconde d’infini suffit à expérimenter tout l’infini— mais la dimension temps n’entre pas en ligne de compte ici. C’est au choix de l’approche, et non à la durée, qu’il faut porter attention si l’on veut que le processus menant à l’éveil en soit un de qualité. Quelques centièmes de grammes en trop peuvent nous priver d’une réelle opportunité de lâcher-prise, et du même coup empêcher le dévoilement des nuances thérapeutiques et des richesses psycholytiques qu’il contient.

Mais que doit-on considérer comme un dosage excessif?

L’excès se trouve dans ce qui est excédentaire au minimum requis pour permettre le lâcher-prise. Nous devons donc chercher la dose minimale qui ne compromet pas l’accès à une expérience directe de l’Esprit. Trouver cette dose minimale peut prendre un certain temps. C’est un processus de découverte au cours duquel nous avons la chance d’expérimenter différents degrés du soi.

Précisons cette idée à l’aide d’une analogie. L’hélicoptère peut nous transporter jusqu’au sommet pendant que nous dormons, ou alors que nous avons les yeux bandés, ou même le faire contre notre gré, engendrant du même coup toutes sortes de peurs (hauteurs, mouvements brusques, bruits etc.). L’hélicoptère peut aussi nous transporter jusqu’au sommet alors que nous sommes conscient, les yeux ouverts, en nous permettant de voir par la fenêtre, proposant une vue claire et accueillante sur le paysage. Le pilote pourra même prendre des pauses en cours de route, pour s’assurer que le passager se porte bien. Ce dernier scénario rend possible une ascension consciente au cours de laquelle le pouvoir et l’intentionnalité du passager sont pris en compte. Tandis que le premier scénario imposait une ascension forcée, probablement dirigée par le pilote lui-même (peut-être un praticien narcissiste), qui se soucie uniquement de vous amener au sommet, sans égard à la qualité de votre expérience en cours d’ascension, et bien souvent sans égard à la qualité de votre expérience sur le chemin du retour.

Les degrés de dosage varient d’une personne à l’autre. Chacun réagit différemment aux quantités, et ce pour une variété de raisons. Bien sûr, découvrir votre dosage idéal prend du temps. Moins de temps que pour beaucoup d’autres psychédéliques, mais plus de temps que pour l’approche proposée par les praticiens narcissistes. Parfois l’hélicoptère aura besoin d’un moteur plus puissant (dose) pour atteindre le sommet. Ou alors il aura besoin d’alléger sa charge (lâcher-prise). Ce délestage doit venir d’une décision consciente du passager. Ce faisant, il peut transformer l’ascension en un choix conscient. Il choisit de laisser derrière lui le matériel qui entrave une expérience directe de l’esprit (le sommet, pour ainsi dire) et, grâce à ce choix, l’envol requiert moins de puissance (dose).

Je suis d’avis qu’une véritable émancipation ne peut résulter que d’un lâcher-prise conscient et authentique.

 

Le lâcher-prise nous affranchit

Il faut admettre que l’approche agressive, qui encourage la surcharge (soumission) du système par l’administration d’un dosage élevé, peut avoir quelque chose de séduisant. Si l’on considère la question selon une perspective non-thérapeutique, on pourrait en effet être tenté de considérer la dissolution de la conscience par-delà la forme/le corps/l’ego comme l’ultime moteur d’une accélération de l’évolution humaine. Dans cette perspective, à quoi bon se soucier de la manière dont s’émancipe une personne? L’important n’est-il pas d’arriver au résultat attendu?

D’un point de vue interpersonnel, il est tentant d’adhérer à cette idée. On se dit que le temps presse, que le salut de l’humanité est en jeu, qu’il faut mettre le pied sur l’accélérateur. Dans cette perspective, tous les moyens nous semblent bons pour favoriser l’élévation de la conscience… Nous espérons participer à la création d’une sorte d’effet domino dans la chaîne interpersonnelle qui lie les êtres humains, et cette finalité suffit à justifier notre adhésion à une approche invasive. Je fais ici référence à cette fameuse idée véhiculée par la légende du centième singe, selon laquelle l’émancipation d’une personne entraînera une vague d’émancipation dans son entourage. L’idée est alléchante et il est en effet difficile de nier l’importance de l’influence positive que les humains exercent les uns sur les autres. Il m’est néanmoins difficile de souscrire à cette idée. La fin ne justifie pas les moyens. Les chemins vers la transformation sont multiples, mais je suis d’avis que la qualité et la profondeur de cette transformation dépendent largement de l’approche que nous choisissons.

Une approche plus douce est nécessairement plus lente et ne participe pas de la même manière à cette « course » vers l’éveil. Je crois que l’éveil engendré par la molécule divine se situe surtout à un niveau supra-personnel, et qu’il est préférable de se concentrer sur ce niveau de transformation.

UN PEU D’ANTICIPATION
Il existe une hypothèse selon laquelle une démarche thérapeutique avec 5-Me0-DMT pourrait engendrer une transformation sur le plan génétique.

Si cette idée (qui appartient pour l’instant au domaine de la croyance) s’avère juste, si on arrive un jour à confirmer que le travail avec 5 engendre en effet une mutation des gènes, je suis de ceux qui croient que la transformation en question ne saurait advenir en profondeur (sur le plan de l’ADN) sans un travail favorisant une authentique expérience de lâcher-prise. Avant que la fleur ne pousse, il faut qu’une graine soit plantée avec douceur, respect et savoir-faire. Ces mêmes valeurs — le respect, la douceur sont sciemment omises par les apôtres de l’approche invasive.

Si on accepte cette idée qu’une approche douce avec 5 est la meilleure façon de rendre possible une transformation génétique, cela soulève de nombreux enjeux fort intéressants, notamment la question de la transmission héréditaire. L’éveil transmis à la descendance demeure un concept hasardeux, mais combien fascinant. En effet, si le parent éveillé est en mesure de léguer à sa descendance un bagage génétique qui la prédispose à l’éveil, la vitesse de propagation de l’éveil sera alors tributaire du taux de natalité.

C’est dans ces circonstances que le débat prendrait une tournure épi-génétique. Nous serions alors en droit de se demander si la vitesse de propagation de l’éveil (soutenue par la théorie du centième singe) est en mesure de rivaliser avec le taux de croissance de la population?

Les praticiens narcissistes ne prendront peut-être pas le temps de s’attarder à ces questions, et il serait plutôt surprenant qu’ils le fassent. Par ailleurs, les praticiens intéressés à offrir aux individus une opportunité d’émancipation par l’entremise d’un lâcher-prise authentique seront peut-être plus enclin à lire ceci.

Bien sûr, je ne prétends pas détenir l’absolue vérité sur ces questions. Le démantèlement des structures de l’ego peut survenir de différentes manières.

L’une d’entre elles est le lâcher-prise.

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