“Le vrai lâcher-prise ne se force pas. Il n’est pas non plus une chose à laquelle on se soumet. Il s’agit plutôt d’un pas que l’on fait vers la découverte du vrai pouvoir. C’est accepter de céder, de se jeter volontairement dans les bras d’une intelligence plus vaste, sans essayer de contrôler ce qui se produira ensuite. Le vrai lâcher-prise n’est pas un geste posé à l’aveugle. Il requiert en effet un réel discernement; c’est-à-dire la capacité de reconnaître la nécessité de s’ouvrir complètement, et laisser aller. Le lâcher-prise ne s’opère pas en rapport avec un objet fini; on ne se donne pas à quelque chose de limité et restreint. Si on commet cette erreur, c’est qu’il s’agit plutôt de soumission.”
Jon Welwood

 

Soumission : régression développementale indiquant un recul dans le processus de maturation d’un individu vers le lâcher-prise véritable.

Lâcher-prise : saut volontaire par-delà l’égocentrisme, indiquant une progression vers une union avec l’Être.

Les praticiens narcissiques*

*je fais ici référence aux facilitateurs qui, dans leur pratique, s’inspirent de l’approche revendiquée par la Mexican Wave
(Voir publication suivante)

« La soumission implique un certain narcissisme. En cherchant à s’immerger dans l’éclat que reflète celui/celle qu’il glorifie, celui qui se soumet cherche à se sentir plus important. »

Bien souvent, le praticien narcissiste infligera au participant une dose qui aura pour but de surcharger son système. Avec des doses si élevées, le système n’a d’autres choix que de se soumettre au pouvoir incroyable qui s’empare de lui. C’est, en quelque sorte, pour le praticien narcissiste, une façon de garantir une expérience de « full release », mais par la force. On peut comparer cette technique à la force frénétique que certains emploient pour atteindre l’orgasme.

Mais un « full release » est tout autant possible lorsqu’on choisit l’approche contraire. Grâce au lâcher-prise, une ouverture intentionnelle et authentique survient. C’est volontairement que nous nous délestons de nos résistances pour nous envoler et entrer dans une expérience directe de l’Esprit (pure présence, samadhi, satori, le Tout etc.). Mais cette fois, au lieu de rejoindre l’Esprit par la force, nous le faisons par choix, en exerçant notre libre-arbitre. Cet acte de pouvoir trouve alors une résonance encore plus bouleversante quand nous réalisons que l’Esprit se veut en tout temps accessible, en tout temps disponible, en tout temps présent. L’Esprit est toujours déjà là, et cette révélation s’imprègne en nous de façon plus profonde car nous venons justement d’exercer notre pouvoir de libre-arbitre pour y accéder. Nous sentons le rôle que nous jouons dans cet accès, et ce sentiment de responsabilité renferme un enseignement précieux et primordial.

En choisissant une approche graduelle pour découvrir comment les voiles qui recouvrent l’Esprit omniprésent peuvent être levés, le système rencontre alors un « doux pouvoir ». Le pouvoir de l’expérience est révélé grâce au lâcher-prise, et cette façon de procéder offre à l’individu une expérience authentiquement fortifiante.

L’approche invasive du praticien narcissiste offre une expérience directe de l’Esprit par la soumission, ce qui affaiblit (ou fortifie facticement) l’individu.  Sous cet angle, on pourrait affirmer que l’approche invasive est une transgression, alors que l’approche graduelle est une libération.

Il serait par ailleurs intéressant de pousser la réflexion un cran plus loin, en se demandant si une expérience directe de l’Esprit se voit qualitativement affectée par la nature de l’approche qui l’a rendu possible.

 

Atteindre le sommet

Les témoignages concernant le « full release experience » sont nombreux, et en les parcourant nous découvrons que celui-ci n’est pas toujours vécu de la même façon. C’est un peu comme sauter dans différentes parties de l’océan. Chaque immersion sera une expérience unique. Nous pouvons aussi illustrer cette idée par l’adage: « on ne saute jamais deux fois dans la même rivière ». Certaines sagesse anciennes se combinent à l’exploration des psychonautes modernes pour contribuer à la création d’un cartographie assez fiable de la psyché, de la nature de l’existence et des aspects multi-dimensionnels et holographiques de la réalité.

Ces différents témoignages (anciens et modernes) traitent tous de ce que nous pourrions appeler « l’état d’unité », et en les parcourant, on découvre qu’il existe en effet une myriade d’expériences de l’Un.

Je m’intéresse ici aux différentes manières d’accéder à une expérience directe de l’Esprit. Certaines technologies fiables le permettent (notez que je ne parle pas seulement d’états de transe, ou autres explorations de la dimensionnalité; mon propos porte surtout sur la non-dualité), de diverses façons: certains styles de méditation, chambres noires / privation de lumière, expériences hypnagogiques, certaines substances (plusieurs variations de DMT, LSD, mescalines, etc.) prises en très grandes quantités, le son (plus spécifiquement les rythmes isochrones), le mouvement (trémulation, danse, etc.) et le sexe. Certains utilisent ces différentes méthodes avec douceur, d’autres y vont avec ardeur.

Pour ma part, je crois que c’est l’approche douce qui est appropriée.

Prenons par exemple l’orgasme. L’orgasme est souvent plus facile à atteindre lorsque la stimulation est intensifiée, mais cette sollicitation sexuelle intensive s’accompagne généralement d’une dynamique de soumission. Les approches douces, comme le karezza ou le tantrisme, perçoivent au contraire l’orgasme comme le point culminant d’un processus plus lent et plus subtile qui a pour but de favoriser la relaxation — le lâche-prise. D’une manière semblable, certaines approches de méditation utilisent des techniques plus agressives (contrôle, discipline, concentration mentale) pour atteindre l’état recherché, alors que d’autres approchent le samadhi à travers des techniques favorisant une attention plus diffuse, plus détendue (TM, zen, etc.). Ici encore, les premières implicitent la soumission, tandis que les secondes suggèrent le lâcher-prise.

De manière générale, les approches douces favorisant le lâcher-prise prennent plus de temps, car elles ont pour objectif la relaxation du système nerveux. La ruse est efficace car elle permet d’atteindre la transcendance volontairement et consciemment, ce qui n’est pas le cas avec la dissociation psychique qui survient quand on intervient par la force en omettant d’engager l’individu dans une participation consciente. C’est ce genre de dissociation qui est recherchée par les approches agressives, comme la prise de fortes doses de substances exogènes. Ces pratiques permettent peut-être d’atteindre l’état recherché, mais en sacrifiant les précieuses étapes qui permettent à l’être de lâcher prise consciemment, et donc de *choisir* l’expérience transcendante.

Avec 5-Me0-DMT, nous faisons face au même dilemme.

 

FACTEURS UNIQUES À PRENDRE EN COMPTE AVEC 5-Me0-DMT

Note: gardons en tête que 5-Me0-DMT fait figure d’exception.
Sa puissance n’est pas moindre (bien au contraire), mais les arrangements chimiques qui composent cette molécule en font une substance endogène; c’est-à-dire qu’elle est déjà sécrétée naturellement par le corps humain.

Nous permettre d’accéder à une expérience directe de l’Esprit est vraisemblablement la fonction cardinale de 5-Me0-DMT. Mais cet accès doit être calibré avec grand soin. En effet, quelques centièmes de grammes peuvent suffire à transformer un accès par le lâcher-prise en un accès par la soumission (les protocoles de dosage pour la sécrétion de bufo alvarius et pour la molécule pure sont disponibles sur 5Hive).

Avec 5-Me0-DMT, il est vrai que l’expérience est relativement courte — ce qui est sans importance considérant qu’une seule seconde d’infini suffit à expérimenter tout l’infini— mais la dimension temps n’entre pas en ligne de compte ici. C’est au choix de l’approche, et non à la durée, qu’il faut porter attention si l’on veut que le processus menant à l’éveil en soit un de qualité. Quelques centièmes de grammes en trop peuvent nous priver d’une réelle opportunité de lâcher-prise, et du même coup empêcher le dévoilement des nuances thérapeutiques et des richesses psycholytiques qu’il contient.

Mais que doit-on considérer comme un dosage excessif?

L’excès se trouve dans ce qui est excédentaire au minimum requis pour permettre le lâcher-prise. Nous devons donc chercher la dose minimale qui ne compromet pas l’accès à une expérience directe de l’Esprit. Trouver cette dose minimale peut prendre un certain temps. C’est un processus de découverte au cours duquel nous avons la chance d’expérimenter différents degrés du soi.

Précisons cette idée à l’aide d’une analogie. L’hélicoptère peut nous transporter jusqu’au sommet pendant que nous dormons, ou alors que nous avons les yeux bandés, ou même le faire contre notre gré, engendrant du même coup toutes sortes de peurs (hauteurs, mouvements brusques, bruits etc.). L’hélicoptère peut aussi nous transporter jusqu’au sommet alors que nous sommes conscient, les yeux ouverts, en nous permettant de voir par la fenêtre, proposant une vue claire et accueillante sur le paysage. Le pilote pourra même prendre des pauses en cours de route, pour s’assurer que le passager se porte bien. Ce dernier scénario rend possible une ascension consciente au cours de laquelle le pouvoir et l’intentionnalité du passager sont pris en compte. Tandis que le premier scénario imposait une ascension forcée, probablement dirigée par le pilote lui-même (peut-être un praticien narcissiste), qui se soucie uniquement de vous amener au sommet, sans égard à la qualité de votre expérience en cours d’ascension, et bien souvent sans égard à la qualité de votre expérience sur le chemin du retour.

Les degrés de dosage varient d’une personne à l’autre. Chacun réagit différemment aux quantités, et ce pour une variété de raisons. Bien sûr, découvrir votre dosage idéal prend du temps. Moins de temps que pour beaucoup d’autres psychédéliques, mais plus de temps que pour l’approche proposée par les praticiens narcissistes. Parfois l’hélicoptère aura besoin d’un moteur plus puissant (dose) pour atteindre le sommet. Ou alors il aura besoin d’alléger sa charge (lâcher-prise). Ce délestage doit venir d’une décision consciente du passager. Ce faisant, il peut transformer l’ascension en un choix conscient. Il choisit de laisser derrière lui le matériel qui entrave une expérience directe de l’esprit (le sommet, pour ainsi dire) et, grâce à ce choix, l’envol requiert moins de puissance (dose).

Je suis d’avis qu’une véritable émancipation ne peut résulter que d’un lâcher-prise conscient et authentique.

 

Le lâcher-prise nous affranchit

Il faut admettre que l’approche agressive, qui encourage la surcharge (soumission) du système par l’administration d’un dosage élevé, peut avoir quelque chose de séduisant. Si l’on considère la question selon une perspective non-thérapeutique, on pourrait en effet être tenté de considérer la dissolution de la conscience par-delà la forme/le corps/l’ego comme l’ultime moteur d’une accélération de l’évolution humaine. Dans cette perspective, à quoi bon se soucier de la manière dont s’émancipe une personne? L’important n’est-il pas d’arriver au résultat attendu?

D’un point de vue interpersonnel, il est tentant d’adhérer à cette idée. On se dit que le temps presse, que le salut de l’humanité est en jeu, qu’il faut mettre le pied sur l’accélérateur. Dans cette perspective, tous les moyens nous semblent bons pour favoriser l’élévation de la conscience… Nous espérons participer à la création d’une sorte d’effet domino dans la chaîne interpersonnelle qui lie les êtres humains, et cette finalité suffit à justifier notre adhésion à une approche invasive. Je fais ici référence à cette fameuse idée véhiculée par la légende du centième singe, selon laquelle l’émancipation d’une personne entraînera une vague d’émancipation dans son entourage. L’idée est alléchante et il est en effet difficile de nier l’importance de l’influence positive que les humains exercent les uns sur les autres. Il m’est néanmoins difficile de souscrire à cette idée. La fin ne justifie pas les moyens. Les chemins vers la transformation sont multiples, mais je suis d’avis que la qualité et la profondeur de cette transformation dépendent largement de l’approche que nous choisissons.

Une approche plus douce est nécessairement plus lente et ne participe pas de la même manière à cette « course » vers l’éveil. Je crois que l’éveil engendré par la molécule divine se situe surtout à un niveau supra-personnel, et qu’il est préférable de se concentrer sur ce niveau de transformation.

UN PEU D’ANTICIPATION
Il existe une hypothèse selon laquelle une démarche thérapeutique avec 5-Me0-DMT pourrait engendrer une transformation sur le plan génétique.

Si cette idée (qui appartient pour l’instant au domaine de la croyance) s’avère juste, si on arrive un jour à confirmer que le travail avec 5 engendre en effet une mutation des gènes, je suis de ceux qui croient que la transformation en question ne saurait advenir en profondeur (sur le plan de l’ADN) sans un travail favorisant une authentique expérience de lâcher-prise. Avant que la fleur ne pousse, il faut qu’une graine soit plantée avec douceur, respect et savoir-faire. Ces mêmes valeurs — le respect, la douceur sont sciemment omises par les apôtres de l’approche invasive.

Si on accepte cette idée qu’une approche douce avec 5 est la meilleure façon de rendre possible une transformation génétique, cela soulève de nombreux enjeux fort intéressants, notamment la question de la transmission héréditaire. L’éveil transmis à la descendance demeure un concept hasardeux, mais combien fascinant. En effet, si le parent éveillé est en mesure de léguer à sa descendance un bagage génétique qui la prédispose à l’éveil, la vitesse de propagation de l’éveil sera alors tributaire du taux de natalité.

C’est dans ces circonstances que le débat prendrait une tournure épi-génétique. Nous serions alors en droit de se demander si la vitesse de propagation de l’éveil (soutenue par la théorie du centième singe) est en mesure de rivaliser avec le taux de croissance de la population?

Les praticiens narcissistes ne prendront peut-être pas le temps de s’attarder à ces questions, et il serait plutôt surprenant qu’ils le fassent. Par ailleurs, les praticiens intéressés à offrir aux individus une opportunité d’émancipation par l’entremise d’un lâcher-prise authentique seront peut-être plus enclin à lire ceci.

Bien sûr, je ne prétends pas détenir l’absolue vérité sur ces questions. Le démantèlement des structures de l’ego peut survenir de différentes manières.

L’une d’entre elles est le lâcher-prise.

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