“[La Source] n’est pas objet; c’est quelque chose de radical, éternellement présent, et donc ce n’est pas quelque chose qui vous apparaîtra comme le ferait un roc, une image, une idée, un sentiment, une notion, un nuage lumineux, une vision intense ou alors une sensation de grande félicité. Ces choses sont intéressantes, mais ce sont des objets. Et c’est exactement ce que [la Source] n’est pas.”

Essence : 1) substance volatile ou composante inhérente à un tout; 2) composante ou dérivé présentés dans une forme concentrée et auxquels on attribue certaines propriétés spécifiques (comme pour une plante ou un médicament); aussi, concoction d’une telle essence ou de son substitut synthétique.
Esprit : 1) principe vital qui donnerait vie aux organismes physiques; 2) être ou essence surnaturels, par exemple « esprit saint » ou « âme ».
Bufo : de bufo alvarius (nom taxonomique de ce crapaud du désert de Sonora); mot souvent utilisé pour désigner la sécrétion de cet animal. Autres désignations: sapo ou toad (à ne pas confondre avec rana ou frog).
5 (five) : tiré du nom du composé moléculaire 5-Me0-DMT, aussi appelé molécule divine, 5-Me0, jaguar, soma ou five… Cette molécule est généralement synthétisée, mais l’extraction à partir de certaines plantes est aussi possible.
Que ce soit sous sa forme sécrétoire ou sous sa forme synthétisée, cette substance peut également être considérée comme une médecine ou un sacrement.
Chronologie brève et incomplète de leur usage contemporain
La molécule fut synthétisée pour la première fois en 1937 mais l’usage qui est aujourd’hui fait du bufo (insufflation, vaporisation) remonte aux années 60. (Cette présentation des origines de bufo est très lacunaire; cliquez ici pour accéder à une ligne du temps plus complète). De façon générale, la substance et son usage ont reçu très peu de publicité, et les informations la concernant ne furent que très peu diffusées. On n’entendait que très peu parler de bufo ou de 5, même si certaines figures importantes du mouvement psychédélique étaient au courant de son existence. Ralph Metzner, professeur au CIIS, propose une rétrospective de l’usage de bufo et 5 à travers les années 70, 80 et 90 dans The Toad and the Jaguar (2013); Sasha Shulgin fait état de ses expérimentations avec 5 dans son livre TIHKAL (1997); en 2005, Robert Augustus Masters propose le premier rapport écrit d’une expérience d’intégration extraordinairement difficile avec 5; en 2006, Stan Grof relate brièvement sa première expérience avec 5 (des décennies plus tôt) dans When the Impossible Happens; James Oroc publie Tryptamine Palace en 2009; Terrence McKenna a également parlé de bufo à quelques reprises… Mais en dehors de ces quelques mentions éparses, l’usage de 5 (et c’est encore plus vrai pour bufo) fut à peu près absent du discours entourant les psychédéliques.
Les choses ont commencé à changer au début des années 2010, quand deux personnes ont décidé de profiter de la tribune que leur offrait internet pour informer une large communauté de leur intention d’offrir 5 à quiconque se montrerait intéressé. Ces deux personnes sont du Mexique, et j’appelle ce point tournant The Mexican Wave.
Cette vague a atteint une ampleur sans précédent, et le phénomène a contribué à faire connaître bufo (et, par conséquent, 5) de façon plus étendue. Grâce à la Vague mexicaine, on découvre le potentiel de cette molécule, et cette découverte s’accompagne d’une sorte d’éveil.
Mais sans plus de digression, permettez-moi d’entrer dans le vif du sujet de cette chronique.
Esprit vs Essence
Y a-t-il une différence entre bufo et 5?
Si 5 est un extrait de bufo, comment devons-nous le considérer?
Le terme « bufo » est en fait inapproprié, car bufo est un genre qui désigne en réalité toutes les créatures que nous appelons « crapauds », alors que « alvarius » est le nom de l’espèce spécifique qui nous intéresse ici. Parmi les centaines d’espèces qui composent le genre bufo, alvarius est le seul à sécréter la molécule 5-Me0-DMT. Dans sa forme naturelle, cette sécrétion de bufo alvarius (bufo, sapo, toad) est constituée d’un assemblage d’autres ingrédients, dont aucun n’est psychoactif. C’est donc 5-Me0-DMT qui fait de la sécrétion de bufo une substance unique: aucune autre créature ne fabrique cette molécule.
Subséquemment, 5 est la composante essentielle de la substance que nous appelons bufo. Si l’esprit de bufo est contenue dans sa sécrétion, son essence est contenue dans la molécule 5-Me0-DMT. La substance — précieuse offrande de la nature, assurément— renferme son essence. Mais la principale raison qui m’empêche de souscrire à l’idée selon laquelle bufo (la sécrétion) est l’essence de l’animal est la suivante: 5 produit le même effet.
Par ailleurs, si 5 n’était pas une composante de bufo, personne ne serait intéressé à en fumer. Son « esprit » (comme l’esprit des ses centaines d’espèces cousines) ne serait pas apprécié et révéré comme il l’est aujourd’hui. De fait, aucune autre sécrétion de crapaud n’est appelé « médecine ».
Est-ce vrai, me demande-t-on? Et qu’en est-il de l’apport des autres composantes présentes dans la sécrétion de bufo? Ne jouent-elles pas un rôle dans l’effet produit? La chose demeure pour l’instant invérifiable et, pour en juger, nous devons nous fier à notre expérience subjective. Pour l’heure, nous pouvons en tout cas nous rallier de nouveau à ce constat: personne ne fumerait bufo s’il n’y avait pas de 5 dedans.
5 est essentiel. 5 est l’essence.
Quintessence : 1) ce qu’il y a de principal, d’essentiel dans une chose; 2) selon certaines philosophies médiévales, c’est le plus élevé des cinq éléments; celui-ci imprègne tout le monde naturel, il est aussi la substance qui compose les corps célestes.
Prenons le café par exemple. On consomme généralement le café parce qu’il contient de la caféine. La caféine n’est pas la seule composante de ce que nous appelons « café », mais c’est pourtant à cause d’elle que nous buvons du café. Fumer bufo sans son essence serait comparable à boire du café décaféiné. On pourrait alors parler de bufo dé-5-isé. Boire un succédané de café, la chicorée par exemple, serait alors comparable à fumer la sécrétion d’une autre espèce de crapaud. Il y aura un esprit, car la chicorée a sûrement un esprit, mais il n’y aura pas la chose essentielle que nous recherchons. Suivant cette idée, la caféine est l’essence du café.
Un très grand nombre de personnes relatent un nombre très varié de choses en rapport avec leur expérience avec bufo, et il en va de même pour 5. À la lumière de ces témoignages, je suggère qu’il est impossible de savoir, en toute objectivité, si l’assemblage des molécules qui composent l’esprit ajoute quoi que ce soit à l’expérience qu’induit son essence (5). S’il y a une différence, celle-ci est marginale, périphérique, et surtout non-essentielle.
Votre expérience subjective constitue votre vérité individuelle. Ma supposition est que la vérité individuelle évolue de multiples façons au cours d’une vie. Cette évolution concernerait-elle aussi notre façon d’appréhender ce qui est essentiel? Chose sûre, que ce soit avec bufo ou avec 5, il ne manque rien.
Tout.
Est.
Là.
Qu’est ce qui caractérise cette essence ?
Essence : emprunt au latin classique essentia, « fait d’être ».
L’unique fonction de 5-Me0-DMT est de révéler efficacement la source de Tout. Tout, mais tout quoi? Et bien, Tout. Même rien…
Les sagesses les plus consistantes et les plus probantes (le Taoïsme, les textes védiques, Mooji, Rupert Spira etc.) semblent trouver un écho direct dans l’expérience de totalité et d’unité qu’offre 5. Mais ces mots (« non-dualité », « singularité ») échouent parfois à rendre compte de la Réalité qu’ils désignent. C’est pourquoi j’utilise souvent le mot « Source » pour souligner cette idée selon laquelle tout binarisme, toutes polarités, toutes dualités ont une Source. Cette Source ne peut qu’être Un. Le mot « Esprit » (avec un « E » majuscule) est parfois utilisé à la place de « Source », comme le prétend Ken Wilber, penseur moderne s’intéressant à la non-dualité:
« En effet, l’incommunicable — qui est pourtant, paradoxalement, immensément compréhensible — se voit désigné par plusieurs noms et plusieurs mots; c’est que les humains n’ont jamais cessé d’essayer de le nommer. »
— Ken Wilber
En effleurant cet immense sujet, mon but est de souligner le fait que 5-Me0-DMT semble être le seul à posséder la caractéristique suivante: il révèle cet Un — cette Source de Tout — de manière si efficace que nous sommes forcés de penser qu’il s’agit là de son ultime raison d’être.
Si la Source du Tout est en effet révélée autant par bufo que par 5, alors nous pourrions dire que l’esprit n’est pas indispensable à la révélation qu’il permet. L’esprit — dans le cas présent, l’assemblage des composantes qui constituent bufo — est non-essentiel.
Mais alors, qu’est-ce qui est essentiel?
Est-ce que la « peak experience » est le modus operandi de 5-Me0-DMT?
Cette question me paraît… essentielle.
À suivre…
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